En deux années, l’écrivaine gabonaise Owali Antsia a publié trois romans : Eding : Le fruit défendu, Pauvre et fière et plus récemment Eding : Les Liens sacrés.

Par rapport à sa première œuvre, on aurait pensé à juste titre qu’Owali Antsia nous aurait gratifiés d’un roman ou plutôt d’une romance où le sexe domine. Dans ce deuxième (et dernier?) volet de Eding sous-titré Les Liens sacrés, on retrouve Dominique Abada alias Lady Domi.

Âgée de 26 ans, animatrice et co-fondatrice de Hills FM, la jeune femme souhaite se caser définitivement mais tout marche à l’envers. Toujours follement et secrètement éprise du très haut gradé Benoît Bekolo, elle lui voue pourtant un sentiment d’amour-haine qu’elle veut convertir en revanche, n’ayant toujours pas digéré d’avoir été laissée en planque, au plus fort de leur idyllique escapade santoméenne.

Pour parvenir à assouvir sa revanche, elle met en place un jeu : utiliser Andy, ami d’enfance de Benoît. Mais le jeu tourne très vite à la séduction puis à la romance. Plaisantin et dandy, Andy séduit par ses attitudes chevaleresques qui sont en net contraste avec celles d’un Benoît jaloux, soupçonneux, complotiste et violent. Face au contraste, l’embarras est évident : vers qui se pencher?

Domi est toujours sous l’emprise psychologique de Benoît aux allures de mâle dominant. Andy quant à lui ne laisse pas indifférent aussi bien pour les qualités évoquées précédemment que pour le fait de posséder tous les atouts physiques et parfois même un peu trop. Notamment lorsqu’à l’entame de leurs ébats, Domi découvre et confie qu’Andy « avait un pilon à la place du sexe ». Mais Domi devra à chaque fois réécrire les règles de son jeu comme les dictateurs réécrivent les constitutions et autres règles démocratiques à leur convenance. Il faut en effet que celles-ci jouent toujours en sa faveur. Mais y parviendra-t-elle?

Du sexe, il en est question – c’est une romance, quoi de plus normal? – mais pas de baise à profusion. Contrairement au volet 1 où les scènes de sexe sont explicitement évoquées, Owali Antsia a choisi cette fois la sobriété. Les pénétrations ne sont pas « portées à nos écrans », elle les suggère ou alors ne les mène pas à leur terme. Comme si au final, le plus important se situait dans les jeux de séduction. Si la stratégie est astucieuse, moins racoleuse, on peut cependant regretter que l’auteure ait choisit d’occulter la principale scène de sexe qui valait la peine d’être décrite avec une plus grande ampleur : lorsque Benoît et son ex-épouse Felicia choisissent de se dire adieu en s’accordant une ultime partie de tendresse. Ici, précisément, l’auteure a confondu pudeur et puritanisme. Car en réalité, c’est peut-être la réelle histoire d’amour de ce roman. Une romance qui aurait connu des lendemains meilleurs si elle n’était pas fondée sur un quiproquo et surtout sur la base des intérêts pernicieux de la mère de Felicia.

S’il est donc question de sexe, l’auteure choisit d’évoquer non pas les scènes coïtales mais principalement ses conséquences et ce que le sexe engendre à la périphérie : il est notamment question d’enfants qui naissent ou qui meurent, de grossesse non désirée, d’inceste, et surtout de liens conjugaux basées parfois sur des pratiques occultes à buts lucratifs. 
S’il est question de sexe, il s’agit surtout de jeu amoureux avec au centre des attentions Domi qui ne laisse personne indifférent et qui, dans son empressement à se caser vaille que vaille, ne rate pas une occasion de s’enticher avec les hommes qui gravitent autour d’elle. Si bien que le roman aurait bien pu avoir pour sous-titre Les Hommes de ma vie. On en dénombre en effet pas mal : Andy, Benoît, Stéphane, Raphaël. Ce jeu amoureux est drôle par endroit dans la mesure où chacun croit tenir les ficelles mais tout le monde a un temps d’avance ou de retard sur tout le monde et la tentative de Domi de renverser les rôles n’est pas toujours acquise.

Cette histoire se déroule entre Monaco, Londres, Yaoundé, Douala, Libreville, Cotonou, etc. Si l’économie des descriptions ne conduit pas pour autant le lecteur à un réel voyage, la romancière a tout de même choisi ce sur quoi s’attarder. Et on comprend son positionnement derrière ce choix de décrire non pas la banlieue bourgeoise de Libreville mais plutôt le décorum situé au-delà des barrières : « Poubelles débordantes faisant office de lieux de réjouissance des muridés locaux, cabanes en bois pourri servant de boutiques de quartier et étals de fruits et légumes saupoudrés d'une fine couche de terre orangée, un régal ». En peu de lignes, la romancière gabonaise a dépeint ce qui aujourd’hui paraît inévitable et irrépressible lorsqu’on pose le regard sur certaines capitales africaines en l’occurrence celle du Gabon : une dangereuse insalubrité qui se normalise dans l’absurdité d’un joyeux capharnaüm urbain.

S’il est question de sexe dans ce roman, Owali Antsia en a surtout privilégié la dimension du jeu au sens où ce sont les intrigues qui se nouent les unes aux autres, où chacun avance masqué et est parfois prêt à commettre le crime passionnel. ? Andy n’est-il pas trop angélique pour être vrai? Et qui est cet ange protecteur qui suit Domi comme son ombre? Benoît Bekolo sait-il par exemple à qui et à quoi il doit son ascension au sein du palais d’Etoudi (présidence du Cameroun)?

L’intrigue principale laisse peu de doute sur l’issue de ces jeux d’amour si bien que le classique happy end, est pour le moins très prévisible. Toutefois, le lecteur devra ‘’philosopher’’ – un tout petit peu – sinon spéculer sur cette question : quelle est la durée de vie de ce nouveau couple fondé sur le meurtre?

 

 

                                                                                                                                BOUNGUILI Le Presque Grand

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